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Elections présidentielles en Pologne : le libéral-conservatisme national en force chez les jeunes

Dernière mise à jour : 13 mai 2021

Source de la photo : Twitter @krzysztofbosak


Si le second tour des élections municipales françaises a été marqué par une « vague » escrologiste rouge-verte et surtout par le désintérêt des citoyens, le premier tour des élections présidentielles en Pologne a enregistré un record de participation. Certes la participation n’est que de 64,5 % selon TVP (la première chaine télé publique), mais elle est la plus forte dans cette jeune démocratie depuis 1990. Elle était de 60.6 % pour la première élection présidentielle en 1990 et de seulement 49 % en 2015.

Preuve de la jeunesse de la démocratie, ce sont les personnes âgées qui votent le moins, à l’inverse de la France où cette catégorie est surreprésentée.

Estimation de la participation selon Europe Elects le 28 juin à 22h37 :

- 18-29 ans : 62.3%

- 30-39 ans : 62.9%

- 40-49 ans : 68.1%

- 50-59ans : 71.2%

- 60 ans et +: 56.1%

Le résultat final montre bien la situation politique polonaise avec une polarisation de la vie publique entre le parti conservateur PiS (Droit et Justice) du président sortant Andrzej Duda, et le parti de centre-droit, la Plateforme Civique (PO) représentée par Rafal Tzraskowski, maire de Varsovie. Cette polarisation est également territoriale, comme d’habitude, avec la capitale et l’Ouest acquis à la PO europhile, et l’Est et la ruralité votant de manière écrasante pour le PiS.


Le résultat officiel du 1er tour

Source : TVP Info


Un autre constat, c’est l’inexistence de la gauche. En enlevant Szymon Holownia, journaliste connu, qui se présentait en tant que candidat indépendant « ni-droite, ni-gauche », 3 des 4 premiers sont de droite. De la droite conservatrice sociale eurosceptique pour Andrzej Duda du PiS, de la droite libérale europhile de la Plateforme Civique (PO) du maire de Varsovie Trzaskowski, et de la droite nationale-libérale conservatrice pour la Confédération (Konfederacja). La gauche, elle, arrive sixième avec 2.22 %.

Et c’est bien le candidat Krzysztof Bosak du mouvement d’alliance de partis de droite Konfederacja qui va nous intéresser ici. En effet, si le parti est très conservateur et nationaliste (dans le sens polonais), il est aussi libéral voire paléo-libertarien selon les observateurs.

Krzysztof Bosak, le national-conservateur paléo-libertarien


Krzysztof Bosak, âgé de 37 ans, a obtenu 6.78 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle polonaise. Elu après une primaire, cet ancien militant nationaliste veut incarner le libéral-conservatisme en Pologne. Et ses déclarations le démontrent clairement, à l’inverse des tentatives de drague maladroite de Marion Maréchal aux libéraux.

Lors de son discours après sa victoire à la primaire du parti, il explique que « La liberté économique et la propriété privée permettent aux gens de conserver leur liberté. Si la société est composée de personnes libres, la nation est forte ». Loin d’être le plus libertarien du mouvement, il critiqué aisément « l’étatisme exacerbé » en Pologne et en UE, affirmant que « les nationalistes ne veulent pas que la nation devienne un annexe à la bureaucratie étatique ». Lui, comme son mouvement, souhaite « une nation forte, une nation d’hommes libres. ». Il prend ici le contrepied de nombreux conservateurs, notamment français, qui confondent Etat et Nation, et ne peuvent comprendre qu'une Nation forte ne nécessite pas un Etat omnipotent.

Le candidat à la présidence a également déclaré que ce qui unit (en Pologne) les nationalistes, les conservateurs, les libéraux classiques et les traditionalistes, c’est un État fort. A comprendre ici un Etat régalien. L’État endetté qu’est la Pologne ne pourrait jamais être un État fort. Toujours pour K.Bosak, le gouvernement du Parti Droit et Justice pousse la Pologne à s’endetter davantage, notamment en restant dans l’Union Européenne qui lui impose un diktat bureaucratique. Critique envers la finance internationale, il affirme nettement que « si nous voulons être des hommes libres, si nous voulons nous battre, nous devons affirmer qu’un Etat sain est un Etat aux finances équilibrées et qui n’est pas endetté ».[1]

M. Bosak n’est certes pas le plus libéral du mouvement, mais il représente assez bien ce nouveau parti, OVNI complet en France.


Konfederacja : le parti national, libéral, conservateur


Cette alliance de divers partis allant de la droite chrétienne au Mouvement National anti-immigration, en passant par le parti des chauffeurs (droits des automobilistes) et le parti paléo-libertarien du provocateur Janusz Korwin-Mikke. Ce parti peut donc être considéré comme national-libéral, conservateur et minarchiste. Il supporte en effet la sortie immédiate de l’Union Européenne (pour se défaire de la bureaucratie bruxelloise), et la limitation drastique - si ce n’est la suppression - de l’immigration. Il prône les valeurs familiales traditionnelles et catholiques, est pro-vie, combat la « propagande LGBT » et veut un débat sur la restauration de la peine de mort. Mais dans le même temps, cette confédération de partis est « très » libérale sur le plan économique (et même sur les libertés individuelles).

Elle est minarchiste, c’est-à-dire qu’elle se méfie de l’ingérence étatique et souhaite un Etat minimal. On peut résumer cela par la phrase de Frédéric Bastiat « Il ne faut attendre de l'État que deux choses : liberté, sécurité, et bien voir que l'on ne saurait, au risque de les perdre toutes deux, en demander une troisième ». La Confédération prône notamment la suppression de l’impôt sur le revenu, une liberté totale du choix du financement de sa retraite, rendre optionnel les cotisations à la sécurité sociale, une baisse drastique des finances publiques, l’introduction du « bon éducation » et même du « bon culturel ». Les membres du parti élus à la Diète (l’Assemblé nationale polonaise) souhaitaient déposer un projet de loi défendant la légalisation du cannabis, ou du moins ne pas pénaliser la consommation. « Je pense que c'est un scandale pour d’emprisonner des gens pour cela. Je comprends que certaines personnes peuvent devenir dépendantes de la drogue, mais ce n’est pas une bonne méthode de traitement de mettre les gens en prison » affirmait l’élu Konrad Berkowicz[2].

Ce parti est aussi « pro-science ». Dans son programme, aux points « énergie » et « vie saine », Konfederacja et Krrzystof Bosak dénoncent une « peur superstitieuse de l'énergie nucléaire » et souhaitent « une protection de la nature bien comprise (qui) n'a pas de couleur politique ». Le candidat Bosak souhaite aborder « l'écologie avec bon sens ». Il s’oppose au programme politique écologique européen. Le parti propose une grande réforme de la justice afin d’accélérer les procédures judiciaires et d’améliorer le bon fonctionnement de la justice.[3]

Le programme de ce parti est fort. Alors que les deux partis majoritaires sont pour l’un conservateur social, et l’autre « légèrement » libéral, Konfederacja allie les deux comme indissociables et complémentaires. Et c’est ce qui plait à un électorat jeune.

Un électorat jeune


L’utilisation d’internet et des réseaux sociaux (avec de nombreux comptes diffusant des memes) est l’une des clefs d’explication de la jeunesse de l’électorat Bosak. Bon nombre de candidats aux législatives de 2019 avaient la trentaine, voir un peu moins. Ils maitrisent de fait les réseaux sociaux d’une manière qui assure de toucher la jeunesse. Internet sert aussi de contrepouvoir contre celui des médias, notamment public. Avec le PiS au pouvoir, la télévision publique n’est pas impartiale et critique sévérement les opposants à Andrzej Duda, comme le PO de Rafal Tzraskowski qui serait acquis au « lobby homosexuel ». En effet, pour bon nombre d’élus et de militants du PiS, il est normal que la télévision publique promeuve le parti au pouvoir car c’est lui qui lui permet d’être financée.

Débordant le PiS par la droite, Konfederacja a aussi eu droit à des attaques venant de la chaine de télévision publique TVP1 qui a laissé penser que les militants et membres du mouvement étaient des « agents du Kremlin ». Argument efficace pour détourner les plus de 60 ans, et faire ressortir les démons de l’occupation soviétique et de la dictature communiste.

C’est internet contre la télévision. Il est alors évident que les jeunes se tourneront plus vers ce parti. Mais ce n’est pas seulement la méthode de communication qui l’explique.

Lors des élections législatives de 2019, le mouvement a cartonné chez les jeunes. Alors que cet électorat vote en général pour les progressistes et la gauche ailleurs en Europe (30 % des 18-24 ans français ont voté pour Mélenchon en 2017), la jeunesse polonaise vote pour un parti mêlant conservatisme « dur » et libéralisme poussé. Près de 20 % des jeunes de moins de 30 ans ont voté pour Konfederajca en 2019, et c’est 23 % des votes jeunes ce dimanche 28 juin pour le candidat Bosak. Les jeunes de 18-29 ans représentaient en 2019 50 % des électeurs du parti, et c’est un peu plus encore aujourd’hui.

Si l’on additionne les votes pour le PO (du Parti Populaire Européen comme Les Républicains), du PSL, de Zoltek (ex-membre de Konfederacja), de Piotrowski, ainsi que le PIS, on atteint un vote à Droite de près de 69 % chez les jeunes !

Vote des 18-29 ans

Source : Europe Elects, Twitter


A l’inverse, les plus de 60 ans ont préféré se tourner vers les deux partis traditionnels. Seulement 1.2 % pour Bosak contre 58.7 % pour la droite traditionnelle conservatrice.

On peut également noter que le candidat indépendant voulant rompre avec le bipartisme polonais, le journaliste Holownia, récolte 22.3 % chez les jeunes contre 4.5 % pour les plus âgés.


Vote des plus de 60 ans :

Source : Europe elects, Twitter

Mais si le chiffre de 69 % de vote à droite chez les jeunes est à relativiser (PO et PIS sont opposés sur la vision économique et sociale-sociétale), l’électorat de Bosak sera plus volatile pour ce second tour.


Les libéraux-conservateurs : faiseurs de Roi


Les deux qualifiés pour le second tour ont aussitôt lancé des appels du pied aux électeurs de Bosak dès l’annonce des résultats. Le président Duda a affirmé que « pas grand-chose ne le différencie » des électeurs de M. Bosak en ce qui concerne « le souci de la famille traditionnelle et des intérêts de la Nation ». Le maire de Varsovie, Trzaskowski, a souligné que malgré « les nombreuses différences » qui les séparent, le « combat pour les libertés économiques et contre un Etat omnipotent » les unit.[4]

Les rapports de vote des électeurs de Bosak seront donc déterminants pour le 2eme tour qui aura lieu le 12 juillet. Les électeurs voteront-ils en fonction des questions de société ou en fonction de l’économie ? Situation cocasse car Konfederaja regroupe en partie les déçus du parti Droit et Justice, et de la Plateforme Civique.

Le « seul parti de Droite », entre refuge des déçus du PO et du PiS et adhésion à un programme disruptif


Ils devront pourtant choisir entre les deux partis ou l’abstention. Beaucoup d’électeurs sont en effet partis de ces deux mouvances pour rejoindre Bosak et ce nouveau parti.

Premier argument d’autorité qui rejoint tous les membres et électeurs, le rejet net de l’establishment. Pour beaucoup, ce sont les mêmes élites politiques qui sont au pouvoir depuis la chute du communisme. Il y a une volonté de modernisation du pays et des élites, qui passe notamment par la réforme de la justice prônée par la Confédération, point noir du PIS et de la Pologne critiqués d’ailleurs par l’Union Européenne.

Il est également justifié de noter que ce vote (comme celui pour le candidat indépendant Holownia) est une voix de rejet de la polarisation de la vie politique entre le PIS et la Plateforme Civique. Cette dernière entraine une lassitude entre deux partis qui se crachent mutuellement dessus depuis de nombreuses années.

C’est aussi un vote pour un programme même si les motivations sont différentes.

Pour certains, le point central du vote Bosak, c’est l’économie. Beaucoup ont troqué le vote PO pour le vote Konfederacja. Au pouvoir de 2007 à 2015, le PO n’a pas réduit les impôts, le poids de l’Etat, les dépenses publiques et la bureaucratie. Gros point noirs pour les libéraux et les libertariens. Pour le candidat Bosak, « Toute l’hypocrisie de la Plateforme civique s’exprime dans le fait qu’elle n’a pas modernisé le pays, malgré ses slogans ». Et hors de question pour les libéraux de voter pour Duda : « Le PiS s’oppose carrément au développement économique. » estime le candidat trentenaire. [5]

Pour d’autres en revanche, ce sont les valeurs qui priment notamment le respect des préceptes de l’Eglise Catholique. La vision conservatrice du PiS des questions de société ne suffit pas à beaucoup d'individus qui se sentent trahis par une certaine mollesse une fois au pouvoir, contraire aux promesses de campagne.

Cette même mollesse s’est fait ressentir notamment en ce qui concerne l’immigration, malgré un fort contrôle déjà en place et le refus des quotas de migrants européens. Mais c’est surtout la faiblesse vis-à-vis de l’Union Européenne qui se fait ressentir. Pour les militants de Konfederacja, il faudrait se délivrer de la bureaucratie européenne, et quitter l’UE sans tergiversation en affirmant clairement la souveraineté de la Pologne. C’est ce que souhaitent les électeurs nationaux-libéraux.

Mais si ce parti ne convient pas à beaucoup de polonais, et notamment les personnes âgés et les femmes (l'électorat de Konfederacja n'est composé qu'à 33% de femmes, le plus bas taux), c’est à cause de nombreux points noirs derrière ce parti. Les propos d’un de ses leaders les plus connus, Janusz Korwin-Mikke, ont fait scandale en Pologne et au Parlement européen. Il a notamment eu des sorties très controversées à propos des femmes en déclarant qu’il était normal de moins les payer car moins intelligentes et productives ou encore en minimisant le viol. Mais ce dernier, à 77 ans, devrait être mis au placard. D’ailleurs, lors de la primaire de Konfederacja, il a obtenu un score dérisoire (moins de 9 %).

Beaucoup de personnalités du parti furent membres de mouvements ultra-nationalistes et d’extrême droite que l’on pourrait apparenter au GUD. Mais comme certains hommes politiques français à l’image de Patrick Devedjian, Alain Madelin, Gérard Longuet ou Claude Goasgen, qui n’ont pourtant pas milité à l’extrême droite ensuite. Ceci est donc à relativiser.

Il n’est donc pas question ici de faire la promotion de ce parti. Mais l’idée est de faire un constat simple, tout en répondant à une question qui m’a été posée lors de mon entretien avec l’Etudiant Libre[6]. Comment intéresser les jeunes au libéralisme, et a fortiori au libéral-conservatisme ?

Les jeunes polonais sont attirés par le libéral-conservatisme. Ils aiment l’idée d’être plus libre, de pouvoir choisir l’école de leurs (futurs) enfants ou le financement de leur retraite. Ils apprécient l’idée d’une réforme de la justice et d’un grand coup de balai dans l’établissement et l’Etat profond. Ils adorent l’idée d’un Etat moins présent pour les taxer et les spolier, mais plus fort dans ses fonctions régaliennes. Ils incarnent une jeunesse qui croient aux valeurs et aux traditions, et qui défend la souveraineté de leurs pays.

Si ce parti s’agrandit, ou qu’un autre moins à droite émerge, prônant la liberté individuelle et la conservation des mœurs, et sans avoir dans ses rangs des personnes problématiques, le libéral-conservatisme aura de beaux jours devant lui. Il est fort à parier que ce courant devienne la troisième force politique, et mette fin au bipartisme en Pologne. A condition de ne pas séduire que la jeunesse, mais aussi les actifs et une part assez conséquente des retraités.


Pour intéresser les jeunes au libéral-conservatisme, la communication est importante. Mais plus que tout, il faut un véritable programme mêlant refus de l’établissement, liberté, souveraineté de le Nation, ordre et conservatisme. Et chose plus importante encore, il faut sortir des partis traditionnels. En réunissant tous ces éléments, en refusant la peur du changement et la démagogie, en se posant comme alternative à l’étatisme, au socialisme, à l’écologisme vert-rouge et aussi à l’extrême-droite, le libéral-conservatisme s’imposera en France.



Aymeric Belaud

Fondateur Renaissance Libérale-Conservatrice

Contributeur IREF


Notes et sources : [1]https://fl24.net/2020/01/18/krzysztof-bosak-un-jeune-candidat-pour-porter-les-valeurs-de-la-droite-polonaise-lors-de-lelection-presidentielle/

[2]https://www.tvp.info/45002278/projekt-legalizacji-marihuany-w-planach-konfederacji

[3]https://konfederacja.net/wp-content/uploads/2019/09/KONFEDERACJA-Program-Wyborczy-Polska-dla-Ciebie.pdf

[4]https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/29/pologne-le-liberal-trzaskowski-et-le-populiste-duda-s-affronteront-au-second-tour-de-la-presidentielle_6044495_3210.html

[5] https://voxeurop.eu/fr/pourquoi-les-jeunes-sont-seduits-par-les-nationaux-liberaux/

[6]https://letudiantlibre.fr/entretiens/entretien-avec-renaissance-liberale-conservatrice-cette-ligne-peut-elle-reellement-exister/?fbclid=IwAR0x7W5vhbcSnf8f0mWUb_4EIOjPuMEgdgu8clyxuapg-WQuEZhIISyS7Q8

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